Les
concurrents de la Bermudes 1000 Race Douarnenez – Brest ne sont pas
tous logés à la même enseigne, ce mercredi. Les bateaux de tête,
toujours emmenés par Sébastien Simon (Arkéa – Paprec) caracolent à plus
de 15 nœuds de moyenne, propulsés par un flux de nord-ouest soufflant
entre 12 et 14 nœuds, tandis que les retardataires, et en particuliers
ceux qui n’ont pas encore franchi le waypoint des Açores, bataillent
dans de tous petits airs (entre 2 et 5 nœuds) de secteur sud. La flotte
qui s’étale actuellement sur 380 milles n’a donc pas fini de s’étirer.
Qu’importe, à tous les étages de la flotte, la bagarre fait rage !
Ce
mercredi, la grosse majorité de la flotte a désormais débordé la marque
de parcours virtuelle positionnée au nord des Açores et fait route
directe vers Brest, au vent de travers. Sur ce long bord, pas de grandes
options stratégiques à tenter, seulement des petits décalages à jouer.
Clairement, l’heure est à la vitesse et à ce petit jeu, c’est le leader,
Sébastien Simon qui tire le mieux son épingle du jeu, profitant alors
d’un peu (voire de beaucoup) plus de pression que ses camarades. Pour
preuve, le skipper d’Arkéa – Paprec cavale à près de 20 nœuds quand la
queue de peloton peine à avancer à 3 nœuds. «
Il n’y a pas beaucoup de vent et il pleut. Heureusement, il y a une
jolie houle pour pousser le bateau à peu près dans la bonne direction »,
a commenté Miranda Merron (Campagne de France) qui tente de composer au
mieux avec les petits airs erratiques qui s’étendent dans un rayon
d’environ 120 milles autour du waypoint des Açores.
Un
waypoint que seuls trois concurrents n’ont pas encore franchi ce
mercredi, en milieu d’après-midi, en l’occurrence Air Huusela (Ariel
II), Pip Hare (Superbigou) et Denis Van Weynbergh (Eyesea). Ce dernier
ne devrait malheureusement pas passer la marque avant une dizaine
d’heures car en plus de la molle sur sa route, il n’est plus en mesure
naviguer grand-voile haute depuis la rupture de son lashing de têtière
survenue hier. Un problème rencontré également par Damien Seguin mais
que celui-ci est parvenu à solutionner, dans la matinée. «
Je n’étais jamais monté seul en haut du mât, même pas en Class 40. Il
faut bien des premières ! J’avais du petit temps à ce moment-là mais il y
avait quand même de la houle qui faisait bouger beaucoup le bateau.
J’étais vraiment frustré et je trouvais ça trop bête de ne pas réussir à
repartir car on avait un joli mano à mano avec les autres bateaux
depuis le départ de la course. Je suis content de revenir dans le match
et de reprendre la course », a indiqué le skipper de Groupe APICIL
qui a réglé son souci mais qui galère à présent dans les petits airs
pendant que les premiers s’échappent.
Même
chose pour Manuel Cousin (Groupe Setin) qui a, lui aussi, décroché le
petit groupe composé de Clément Giraud (Envol by Fortil), Stéphane Le
Diraison (Time for Oceans) et Arnaud Boissières (La Mie Câline), la
faute à un petit souci de quille. Un problème de flasque l’empêche,
depuis ce matin, de quiller à 100%. « Je
vais finir la course en mettant la pédale douce, normalement, ça devrait
le faire. C'est juste que je ne peux plus quiller ou vraiment qu’en cas
d’urgence », a commenté Manu Cousin qui s’accroche comme un diable pour terminer sa course.
Les dés loin d’être jetés
Fabrice
Amedeo ne lâche pas le morceau lui non plus. Le skipper de Newsrest –
Art & Fenêtres, qui affiche un décalage en latéral d’environ 50
milles par rapport au reste de la flotte, est, pour l’heure, obligé de
lofer en raison de sa configuration de voiles actuelle.
«
Sans code zéro, j’ai dû faire une route un peu plus nord que mes
concurrents. Depuis le lever du jour, je mange un peu mon pain noir dans
des vents faibles mais c’était prévu. Pour la suite, ce positionnement
nord devrait me permettre d’avoir un meilleur angle pour faire du
reaching. Je joue ma chance en faisant avec mes cartes ! Je vais serrer
les fesses aujourd’hui et ensuite ce sera une course de vitesse jusqu’à
Brest. Je me dis que j’aurais peut-être des petits coups à jouer sur mes
concurrents dans la mesure où j’ai un bateau assez rapide », a
déclaré le navigateur qui compte bien profiter du renforcement du vent
prévu en deuxième partie de nuit mais qui, en attendant, prend son mal
en patience, bien conscient qu’à 650 milles de l’arrivée, rien n’est
encore joué, tout comme Stéphane Le Diraison (Time for Oceans) qui s’est
fait dépasser, ces dernières heures, par Clément Giraud (Envol by
Fortil), mais qui n'a, évidemment, pas dit son dernier mot. «
Les petits copains de devant ont plus d'air et ceux de derrière n'en
ont pas du tout... Le temps faible réserve parfois son lot de choses
surprenantes. Clément, dix milles sous mon vent, a décollé tandis que je
suis resté scotché. Ce n'est pas fini ! », a souligné le marin.
Un
point sur les ETA (estimations d’heures d’arrivées) ? Les premiers
devraient se présenter sur la ligne d’arrivée vendredi en milieu de
journée et deux premiers tiers de la flotte devraient avoir rallié la
Marina du Château avant samedi après-midi. Il va sans dire qu’à Brest,
toutes les équipes de Brest Événements Nautiques sont d’ores et déjà en
ébullition pour réserver aux solitaires le meilleur des accueils. A
noter par ailleurs que suite au décalage du départ, l’organisation a
pris la décision de reporter la remise des prix, initialement prévue
samedi, au dimanche 19 mai à 18 heures.
Pointage de 17 heures
: 1. Sébastien Simon (Arkéa – Paprec) à 671,5 milles de l’arrivée ; 2.
Boris Herrmann (Malizia II – Yacht Club de Monaco) à 18,7 milles du
leader ; 3. Sam Davies (Initiatives Cœur) à 29,6 m ; 4. Yannick Bestaven
(Maître Coq IV) à 29,6 m ; 5. Giancarlo Pedote (Prysmian) à 45,4 m ; 6.
Maxime Sorel (V and B – Sailing Together) à 46,2 m ; 7. Fabrice Amedeo
(Newrest – Art et Fenêtres) à 93,8 m ; 8. Stéphane Le Diraison (Time for
Oceans) à 97,5 m ; 9. Clément Giraud (Envol by Fortil) à 98 m ; 10.
Arnaud Boissières (La Mie Câline – Artipôle) à 108,1 m ; 11. Damien
Seguin (Groupe APICIL) à 164,2 m ; 12. Manuel Cousin (Groupe Setin) à
164,2 m ; 13. Miranda Merron (Campagne de France) à 208 m, 14. Alexia
Barrier (4myplanet) à 225,7 m ; 15. Ari Huusela (Ariel II) à 271,2 m ;
16. Pip Hare (Superbigou) à 291,7 m ; 17. Denis Van Weynbergh (Eyesea) à
324,9 m.
La plume d'Erik Orsenna
Oh
la belle course ! Enfants blasés que nous sommes, il en faut pour nous
arracher aux séries Netflix et réveiller nos rêves ! Mais cette
course-là, comment la manquer ? Avec un Atlantique défié dans plusieurs
de ses cœurs parmi les plus sauvages. Avec des balises de légendes : du
Fastnet aux Açores, quel besoin d’aller virer plus loin ? Et Douarnenez,
et Brest : où trouver plus beau, où trouver plus fort ? Avec des
bateaux intimidés car la plupart sortent de chantiers et ne connaissent
de la mer que des algorithmes infiniment moulinés. Avec des skippers qui
piaffent car les Grands Départs approchent. Avec un de ces quatuors de
filles, si j’étais vous, les mecs, je me préparerais à en baver. Une
course, comme tout dans la vie, doit faire ses preuves. On verra dans un
an, dans dix ans, si sa place est faite car la concurrence est rude.
Mais je connais bien les fées de la baie d’Ys : aucune ne manquera le
jour du baptême. Elles se battent déjà à qui inventera le vœu le plus
fou.
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